La demie réussite.

Une semaine plus tard, je reçus un dossier. Et là, je défaillis. Non, rien de bien compliquer dans le dossier, je me rappelle encore de mon nom et de mon adresse. C'est juste que le programme des connaissances requises pour le poste à pourvoir semblait bien rempli, voir ahurissant. Je ne comprenais pas trop bien ce que la résistance des matériaux ou l'équilibrage d'une équation d'oxydo-réduction venait faire dans un métier technique d'informaticien avec une spécialisation sur les réseaux ce qui me fit suer à grosses gouttes : Où sont cachés mes cours de terminal. Mais bon, après vérification, c'était juste la stagiaire du service documentation | photocopieuse qui ne comptait plus dans le bon sens. En oui, le nombre douze se place généralement après le chiffre dix dans un ordre croissant, sans oublier le fameux onze qui n'arrivera jamais chez moi, non sans réclamation de ma part.

Une fois rassuré, j'envoyais le fameux dossier et commença à m'intéresser aux annales des précédents concours. Bien sûr, impossible d'en trouver. Tout de fois, je tentais ma chance sur le site du CNRS et dénicha mon bonheur pour un poste similaire nécessitant à peu près les même connaissances. Autre bonne nouvelle, j'arrivais à répondre à peu près à tout. Il fallait bien sûr que j'aiguisasse mes réflexes, mais cela me semblait faisable.

Les jours passèrent tranquillement dans mes Vosges profondes, c'était le mois de novembre et il faisait, comme tout les autres jours de cette période, moche. Ça ne me dérange pas de toute façon, j'ai l'habitude et c'est pas le climat d'une région qui dictera mon humeur. Au détours de ces mornes journées, la factrice passa sur sa petite mobylette bruyante et me livra une convocation officielle. Cette dernière me disait, sans gène, que je devais me présenter mis décembre dans une banlieue parisienne non loin de Marne la Vallée pour y passer un examen écrit de deux heures. Oui, Paris.... Mais qu'est ce que j'avais fait ?

En fait, ce fut une bonne occasion de rendre une petite visite au frangin de Maud et à son nouvel appartement d'Épernay. C'était toujours ça de gagner ; plus que 120 bornes d'autoroute à se taper de bon matin, c'était bien. En plus, j'arriverai en forme... Sauf, que nous avions un peu fait la fête la veille...

Le grand jour se présenta difficilement. Il faisait très froid et nous étions tous obligés d'attendre devant un complexe de salles de cours et d'examens. Un mec me refusa même d'entrer dans le hall pour m'y réchauffer avec un Non assez sec. Pendant ce temps, les candidats continuèrent à débarquer au fil des RER et ça commençait à faire de plus en plus de monde sur le pas de la porte. J'apprendrai plus tard que nous étions, pour un seul et unique poste, près de 140 inscrits et 114 à passer l'épreuve écrite.

Ah, le fameux sujet de cette épreuve écrite... Je m'en délecte encore ; presque mots pour mots une épreuve du CNRS (que je ne retrouve plus... en fait je ne sais plus trop mais les questions sont, d'années en années, toutes les mêmes et réviser avec les annales du CNRS était une bonne idée). Je souriais discrètement perdu dans les longues rangées de tables et m'exerça à répondre du mieux possible aux différentes questions. En parlant de question, si quelqu'un pouvait me dire comment réinstaller Windows le plus rapidement possible dans un domaine Windows Server 2003, j'en serai très content.

Je sortis de la salle deux heures plus tard, un peu fatigué du poignet et avec l'amère impression que la qualification aux oraux n'était pas du tout gagné. J'avais réalisé, tout de fois, une expérience intéressant et je mourrai moi con. Les résultats seraient affichés début janvier.

Le semi échec.

Pas possible ! tels furent les mots qui sortirent de ma bouche lorsque je pris connaissance des résultats. J'étais sur la liste des dix admis et tout le monde autour de moi voulait me l'entendre dire. J'avais déjà, à en croire l'exaltation avoisinante, un pied dans le monde du travail.

Début de ce mois, je me rendis à Saint Dié des Vosges pour passer l'épreuve pratique au doux coefficient trois. Il faut dire que j'étais un brin angoissé. La pilule passa rapidement avec un accueil charmant à coup de café et de croissant. J'étais le dernier à auditionner.

Deux jeunes messieurs m'invitèrent alors à démarrer un ordinateur qui ne démarrait pas, bien sûr... Je répondais à toutes leurs questions avec une rare difficulté, ils étaient littéralement en train de m'arracher les vers du nez. Je ne comprenais plus réellement ce qu'ils me demandaient ou ce qu'ils attendaient comme réponses et je commençais à réellement m'en vouloir de ne pas montrer plus de confiance en ma chère et tendre personne. Bref, je fut nul... C'est ma faute.

Je quittais un bâtiment dont je ne reverrai plus l'intérieur et me dirigeais vers un bistrot où Corto m'attendait. Nous passâmes un bon moment ensemble autour de nombreuses tasses de café et de discussions toujours intéressantes. Merci, Corto...

Je viens donc d'apprendre la nouvelle. Je ne suis pas l'homme qu'il leur faut et je commence à réellement en avoir marre de ne pas être l'homme qu'il leur faut. Je ne sais plus ce qu'il faut montrer ou démontrer pour travailler. Oui, Travailler un acte simple, fédérateur du monde moderne sans lequel nous ne sommes rien dans ce monde moderne. Je rappelle à mon Camarade que ce concours externe était pour un poste de technicien payer au SMIC. Alors, que faudrait il penser d'un tel enthousiasme autour de cette activité professionnelle ?

Je vais tenter de mettre quelques mots sur mes sentiments actuelles : ..., ça fait du bien !

(Pour précision, je n'aime pas poser des questions - je préfère trouver par moi même - alors le Vous avez des questions ? en fin d'entretien, vous le gardez au plus profond de votre gorge, ça ne rime à rien et ça ne prouve rien quand aux motivations de la personne en face de vous. Si seulement vous saviez engager un bon dialogue sans rapport de force biaisé...)

Que suis je sensé savoir faire maintenant ? Un tel état me fait perdre mes moyens et le peu de confiance à force de se voir rejeter, de sauter d'échec en échec. Vouloir être utile à quelque chose n'est vraiment pas un argument de même que vouloir gagner sa vie honnêtement, tranquillement sans prétention particulière avec un métier qui me plaît. Non, c'est vrai, je vais répondre à des propositions qui ne me conviennent pas, il est encore vrai que je vais tenter par tout les moyens de foutre la merde dans votre entreprise et vous faire perdre de l'argent. Ne mettez pas en doute ma bonne volonté, merci.

J'aimerai tellement être comme vous, payer des impôts, me lever le matin et râler sur mon patron à la première pose café, me creuser la tête sur des problèmes concrets, me retourner et devenir fier des travaux réalisés. Je devrais certainement forcer ce destin et je commence à y réfléchir sérieusement... Je ne me découragerai pas, je suis finalement un optimiste convaincu.